Henri Lopes, écrivain / Hommage
Afin de rendre hommage à son mari Henri Lopes disparu il y a tout juste un an, Christine Lopes Diané a demandé à Celine Gahungu de rappeler la qualité et la profondeur de son œuvre littéraire.
Pour donner la mesure de l’importance majeure de l’œuvre de Henri Lopes, sans doute faut‑il d’abord souligner la densité d’une création littéraire qu’il a conçue pendant plus de cinquante ans ; des poèmes, un recueil de nouvelles, neuf romans, un essai et des mémoires composent ainsi la riche bibliographie de l’écrivain disparu il y a une année. Cette trajectoire féconde lui a valu de prestigieuses distinctions, à l’instar du Grand Prix littéraire de l’Afrique noire attribué, en 1972, à Tribaliques (1971) et du Grand Prix de la Francophonie décerné par l’Académie française, en 1993, pour l’ensemble de son œuvre ; elle lui a valu aussi d’accroître toujours davantage le nombre de ses lectrices et lecteurs, sensibles aux harmonies de son écriture. Saveurson lit ses écrits, se dévoile un univers, avec ses lois, ses cohérences et son extrême variété ; Henri Lopes fut en effet tout particulièrement attentif à « introduire dans l’imaginaire du monde des êtres, des paysages, des saisons, des couleurs, des odeurs, des saveurs et des rythmes qui en [étaient] absents » (Ma Grand-Mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois : simples discours, 2003, p. 111).
Comment approcher plus avant cette œuvre considérable, dotée d’une influence d’une telle force ? Évoquer Henri Lopes, c’est évoquer une éminente figure de la littérature congolaise, un auteur central de la « phratrie », dont la renommée est si grande, au Congo et ailleurs. Traversés par une réflexion tout à la fois historique et politique, ses écrits disent le Congo de la période coloniale et post-coloniale, mais constituent aussi l’expression d’une culture urbaine, celle de la rumba, des dancings et d’une jeunesse pressée de vivre, de s’inventer et de se réinventer. Évoquer Henri Lopes, c’est également évoquer la question du métissage tant son œuvre a envisagé l’« errance de la vie métisse » (Il est déjà demain, 2018, p. 503). Difficultés de cette dernière y sont relatées, mais il y est aussi très largement question d’un autre versant, dévolu quant à lui aux franchissements des frontières, comme le suggèrent les périples de ses personnages entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques. Une réflexion que l’écrivain a formulée au sujet de son histoire familiale pourrait fort bien s’appliquer à son œuvre : celle-ci s’est consolidé « par-delà les races, les clichés, les stéréotypes, les préjugés » (Il est déjà demain, p. 503). Classéiance devant les certitudes, le goût du monde, et un humour qui jamais n’élude la présence du tragique font ainsi de ses écrits autant de viatiques, depuis ses poèmes rédigés dans les années soixante à Il est déjà demain, du Pleurer-Rire (1982) au Méridional (2015), en passant par Tribaliques, La Nouvelle Romance (1976), Sans Tam-Tam (1977), Le Chercheur d’Afriques (1990), Sur l’autre rive (1992), Le Lys et le Flamboyant (1997), Dossier classé (2002), Ma Grand-Mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois : simples discours et Une enfant de Poto-Poto (2011).
À de très nombreuses reprises, la dimension novatrice de l’écriture de Henri Lopes a ainsi été relevée par ses lectrices et lecteurs. Dans ce renouvellement esthétique et thématique auquel il a constamment œuvré, peut-être peut-on isoler un élément supplémentaire : très tôt, l’écrivain a composé des œuvres dans lesquelles les personnages féminins occupent une place majeure. Ces femmes fortes et « rebelle[s] » (Le Lys et le Flamboyant, p. 289), devenues d’ « acier » (p. 262) d’avoir tant lutté, interrogent, elles aussi, les assignations ; élargir les horizons et « poser des questions », comme on peut le lire dans Il est déjà demain (p. 506), sont les tâches auxquelles Henri Lopes n’a eu de cesse de travailler.
Céline Gahungu (Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle)
Christine DIANÉ LOPES
« Dans la nuit du 2 novembre 2023
On dit qu’un géant est tombé
Et l’eau qui tombe des cieux
L’eau qui tombe des fronts
L’eau qui continue à tomber des yeux
L’eau qui coule en ondoyant
Dans le fleuve Congo couleur de thé
Toute l’eau pleure et gémit encore
Dans cette nuit et celles qui ont suivi
Ou la mort a toujours couleur de géant ».
MON GRAND-FRÈRE HENRI LOPES (Dr Abdoul BALDÉ)
M’exprimer sur ce que fut mon GRAND-FRÈRE HENRI LOPES qui me considérait comme son PETIT-FRÈRE est une tâche difficile pour moi, tant ses qualités étaient immenses. Parmi tant d’autres, je n’en citerai que trois au moins : sa modestie, sa grandeur et son rayonnement.
Le bref rappel ci-dessus de Madame Céline Gahungu (de l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle) de la qualité et la profondeur de l’œuvre littéraire de ce grand homme prouve à suffisance que la grandeur d’un homme ne tient pas seulement à sa taille, mais aussi du rayonnement de l’homme qu’elle habite. Henri LOPES rayonnait sans chercher à l’être. Il venait au secours des autres, sans paraître.
Henri Lopes qui nous a quitté le 2 NOVEMBRRE 2023 était un écrivain, homme politique et diplomate Congolais, certes grand par la taille, mais aussi par son rayonnement planétaire doublé d’un humanisme incontestable. Il a légué aux générations futures des œuvres littéraires toutes aussi universelles que flamboyantes parmi lesquelles on peut citer entre autres : Tribalique en 1971, la nouvelle romance en 1976, sans tamtam en 1977, le pleurer rire en 1982, le méridional en1987, lys et le flamboyant en 1997, ma grand-mère bantoue et mes ancêtres gaulois en 2003, un enfant de potopoto en 2012, il est déjà demain en 2018 etc.
En 1993, il reçut le grand prix de la francophonie de L’académie française.
Je n’oublierai jamais ce grand homme qui, modestement m’appelait petit-frère.
Que son âme repose paix.