Bien qu’ayant fait l’objet de plusieurs critiques, l’un des ouvrages de l’écrivain français René Dumont : « L’Afrique est mal partie” est pourtant en train de se vérifier dans notre pays et cela très malheureusement. Toutefois le plus alarmant est que ce sont les premiers responsables du pays et leurs familles, qui, après avoir enfoncé la Guinée dans le désastre économique et social, assurent de nos jours encore la continuité du pouvoir. Il faut reconnaître que si Sékou Touré était vivant, il aurait certainement été très heureux de savourer la victoire acquise contre des milliers de victimes en particulier et contre tout le peuple de Guinée en général pour avoir réussi à empêcher le rêve que nourrissaient nos aînés de liberté et de bien-être socioéconomiques de se réaliser en votant pour l’indépendance.
C’est bien dommage que le génie de l’homme politique guinéen, ne se manifeste que dans la nuisance à son prochain. Si les lacunes du pouvoir de Sékou Touré sont on ne peut plus évidentes sur tous les plans, il a réussi quand même après tout à instaurer un système qui continue de semer la désolation bientôt quarante années après sa mort. Il a été génial dans la conception et l’utilisation de cette politique de deshumanisation des fils et des filles de notre pays. Il y a longtemps que je réfutais la notion de complicité collective, mais il suffit de regarder de plus près la situation qui prévaut en Guinée et d’analyser la façon dont nous guinéens, nous comportons face à certaines situations sociopolitiques que traverse notre pays, pour se convaincre de l’idée d’une responsabilité collective. Loin d’être une fatalité, cette descente aux enfers qui s’impose aujourd’hui à tous les Guinée relève d’une responsabilité collective.
En effet, de Sékou Touré à Lansana Conté, Dadis Camara, Konaté Sekouba et maintenant Condé Alpha, tous ceux-là qui ont gouverné la Guinée ont successivement eu une attitude totalement opposée à celle qu’ils devraient adopter dans l’accomplissement de leurs devoirs régaliens. Mais hélas, c’est la férocité qui a dominé leur exercice du pouvoir pour contrôler le pays comme une propriété familiale. Sans doute une foule de questions nous interpelle aujourd’hui : Qu’est-ce qui explique notre silence face aux crimes de l’Etat contre des citoyens innocents ? Pourquoi n’a-t-on pas rendu justice aux milliers de victimes des différents pouvoirs qui se sont succédé jusqu’à nos jours ? Les patriotes qui rêvaient d’un bel avenir pour nous et nos enfants sont tombés dans l’oubli plongeant leurs familles dans la douleur et la détresse ; alors qu’en face nous immortalisons leurs assassins
Sékou Touré a construit construit des camps d’internement qui a volé la vie aux fils les plus valeureux du pays. Des milliers de familles guinéennes ont perdu des leurs sans jamais avoir eu droit à une quelconque preuve de leur culpabilité. Pendant ce temps les mœurs ont été malmenées, le mensonge et l’immoral ont triomphé du bien. De quoi ont bénéficié ces victimes directes de notre part ? Or aujourd’hui, nous semblons manifester plus de sympathie pour les bourreaux que pour leurs victimes.
On se souviendra que Lansana Conté avait fait démolir Kaporo Rails d’où il avait fait expulser des milliers de familles de façon sauvage et arbitraire et qui ont perdu dans la foulée leurs économies accumulées des dizaines d’années durant et ce pour des raisons électorales. La raison en est simple : il fallait chasser ces pauvres citoyens indésirables de Conakry pour la simple raison qu’il les soupçonnait de constituer un fief de l’opposition. Lansana Conté a fait massacrer et violer même dans des mosquées des manifestants pacifiques en 2007 contre la corruption et le pillage économique. N’oublions pas que pour ce vieil officier inculte, le trésor public était considéré comme un patrimoine personnel. Lui, ses épouses, ses enfants et ses frères avaient fini de transformer la Guinée en une entreprise familiale sans oublier le trafic de drogues auquel ils s’étaient livrés entre temps. Il n’y a aucun doute que la Guinée et ses problèmes de développement étaient le dernier souci de Conté. Il avait même fait de la Guinée, une plaque tournante du trafic international de la drogue (ses enfants et ses proches militaires et civils). C’est très dommage que ce soit des élus du parti de la majorité des victimes (l’UFDG) qui font plus d’éloge a Conté aujourd’hui.
Dadis Camara aussi arrive avec les démolissements ciblés d’habitations et la brutalité qui se termina par la tragédie du 28 septembre 2009 ayant entraîné le viol des dizaines de femmes en plein air et le massacre de manifestants pacifiques. Konaté, installé à la tête de la transition par les soins d’Alpha et Jean Marie Doré continua dans la même lancée que les populations peules de la banlieue de Conakry, au Foutah (Pita, Dalaba, Mamou, Labé etc. auront subies sans oublier le nettoyage ethnique en Haute Guinée dont sa complicité ne fait l’objet d’aucun doute.
Il est très tôt de dresser le bilan macabre de Condé Alpha qui se distingue aujourd’hui en Afrique par ses méthodes violentes, par la manipulation, le clientélisme politique et par son incompétence. Cet homme a montré tout le danger qu’il représente pour une Nation aussi fragile que la nôtre de se laisser diriger par un homme sans foi ni loi. Mais ici, c’est le lieu de reconnaître que les anciens premiers ministres de Lansana Conté ont, par leur silence face au danger que représente l’accession au pouvoir d’Alpha Condé pour la nation, été des complices passifs. Et ce, parce qu’ayant été membres du gouvernement au moment des déboires judiciaires de ce dernier avec la justice guinéenne, son emprisonnement, sa libération, les faits qui lui étaient reprochés, ils auraient pu ainsi aider à déterminer la validité ou non de sa candidature à la présidentielle. Ce qui est toujours discutable. Ils ont ainsi par leur silence, permis à Alpha Condé et à Jean Marie Doré de diriger la transition qui n’a jusqu’à présent pas achevé sa feuille de route. A mon avis Mrs Cellou Dalein, Sidya Toure et Lansana Kouyaté devraient pour cela présenter des excuses au peuple martyr de Guinée. L’arrestation et la condamnation de Mr Alpha Conde par un gouvernement auquel ils appartenaient, ne pouvait être gardé sous silence par eux surtout vu le nombre élevé des victimes.
Une autre chose qui est encore très regrettable, c’est le fait de supporter stoïquement comme une fatalité le règne de ce système deshumanisant qui a pu survivre de 1958 à nos jours en entretenant dans notre société une débandade morale totale. Sur ce plan le moins qu’on puisse dire est que l’absence de discernement est totale dans la mesure où nous entretenons cette situation contre nous-mêmes. Ce système est toujours sorti triomphant de tous les soubresauts intempestifs que traverse notre pays. Il a réussi à créer et à entretenir la confusion de telle sorte qu’à chaque tournant, il nous empêche d’ouvrir nos esprits pour faire face à l’avenir. C’est ainsi que l’on entend souvent comparer Sékou Touré à ses successeurs entre eux et parfois nous chantons l’héroïsme et la bonne foi des d’anciens bourreaux tout en observant dans un silence absolu face à la douleur des victimes et de leurs familles.
Sékou Touré a fait des dizaines de milliers de victimes y compris en Haute Guinée. Nous n’ignorons pas les nombreux ressortissants de cette région qui ont été emportés par la machine à destruction humaine aux mains du clan Touré et Keita. Nous connaissons également l’état désastreux dans lequel Sékou Touré a laissé la Haute Guinée à sa mort. La mort du dictateur a été accueillie comme un salut divin partout en Guinée. De nos jours, parler des crimes de Sékou Touré est perçu comme une haine contre l’ethnie malinké.
Les exemples n’en finissent pas. Des années avant la mort de Lansana Conté, des milliers de jeunes et de femmes s’étaient mobilises et se sont sacrifiés pour son départ. On prêchait le combat que ces Guinéens ont mené pour nous débarrasser du diable. Aujourd’hui, ce qui s’entend et se lit, c’est : « Lansana Conté était un homme de paix » quant aux nombreuses victimes de son régime, c’est le silence de cimetière. Les éloges n’ont pas tari après le décès de « maman Henriette ». Or de mémoire, nous savons tous que le clan Conté avait transformé la Guinée en une entreprise familiale. Les évènements de janvier et février 2006 ont laissé des traces. De nos jours, Mamadou Sylla réclame des créances à l’État et le parti de cet analphabète contrôle un groupe parlementaire, une mairie et des élus municipaux.
Plus regrettable encore est cette persistance de la culture du mensonge et de culte de personnalité en faveur des imposteurs. Des hommes de médias et de politiciens sans repère continuent de répéter des contrevérités à longueur de journée. Ils attribuent à Alpha Condé la victoire à la présidentielle de 1993, et lui inventent l’image d’un combattant pour la démocratie. Nous savons tous qu’Alpha Conde a toujours utilisé l’ethno stratégie bien qu’étant sans ethnie en Guinée. Il n’a jamais parlé de ses adversaires politiques selon l’appartenance politique, mais s’est toujours attaqué à leur ethnie. Selon lui sous Conté, “ les soussous constituaient le problème de la Guinée”. Sous Dadis, “les forestiers sont des gens qui se vantent d’être de buveurs du sang humain”. Cellou Dalein a la tête du plus grand parti politique, “ les peuls sont la mafia guinéenne”.
Un constat malheureux concerne la maladie mentale dont souffrent des journalistes guinéens qui ne peuvent parler ou écrire sans bombarder de gros titres ceux dont ils couvrent les activités. A Kassory Fofana un titre de doctorat qu’il n’a jamais eu. Cela a été vérifié à l’école qu’il dit avoir fréquentée et lui-même n’a pas osé en reporter dans son CV. Lansana Conté n’a jamais été un démocrate. Il n’y a rien à être fier d’un seul de ceux qui ont dirigé la Guinée de 1958 a aujourd’hui ni de leurs collaborateurs hommes et femmes. Il faut éviter de citer des femmes comme les Mafory Bangoura comme étant de bons exemples pour les femmes de Guinée.
Et aussi, il y a lieu de mentionner qu’on entend beaucoup plus d’éloges pour Lansana Conté à l’UFDG qui est en fait le parti de la majorité des victimes. Nous pouvons citer la destruction de Kaporo Rail, les pertes subies par les commerçants peuls durant la mutinerie de l’armée en 1996 et il ne faut pas non plus négliger aussi la mise à la retraite arbitraire et massive des peuls de l’armée et des autres services de sécurité en 2000 et 2001.
Aujourd’hui avec l’avènement du FNDC, nous voyons comment les jeunes se sont engagés dans la lutte pour l’alternance. Toutefois, ils doivent avoir à l’esprit que beaucoup de leurs camarades ont perdu leurs vies tout comme plusieurs de leurs concitoyens avant eux. Loin de les décourager, ils doivent être exigeants face à l’attitude de certains leaders politiques et de la société civile qui, facilement semblent oublier la cause pour laquelle des Guinéens se sont sacrifiés et nourrir plus de sympathie pour les tortionnaires que pour les victimes. Ils doivent rester vigilants pour que ces leaders ne transforment pas leurs sacrifices en un moyen de marchandages politiques avec les bourreaux. C‘est ce qui favorise la survie du système d’impunité qui, s’il n’est pas éradiqué, sera la cause de l’implosion dans notre pays. La jeunesse doit faire comprendre à la classe politique et sociale que son combat, c’est pour l’instauration de l’Etat de droit permettant à chaque fils ou fille du pays de s’épanouir pleinement sur le sol de ses ancêtres. Nous devons mettre fin à l’indulgence vis-à-vis des criminels et l’impunité érigée en système de gouvernement qui immortalisent Sékou Touré et ses successeurs. Leurs milliers de victimes et leurs familles méritent nos hommages et nos prières pour leur combat patriotique.
Abdourahamane Barry