GUINÉE : LA DÉCOMPOSITION ERRONÉE DU TERRITOIRE, UNE CONSÉQUENCE DE LA PARALYSIE DES CELLULES SOCIALES ET POLITIQUES (MAKANERA Fodé)
La Guinée un merveilleux et passionnant pays, de par son histoire, sa faune, et sa flore. Située à l’ouest de l’Afrique et limitée à l’ouest par l’océan Atlantique. Elle dispose des frontières avec six États dont la Guinée Bissau au nord-ouest, le Sénégal au nord, le Mali au nord-est, la côte d’ivoire au sud-est, le Liberia et la Sierra Léone au sud. La générosité naturelle du ciel fait couler de l’eau six mois sur douze de l’année, et de son sol qui agréé et fait pousser tout type de semence. De par son apparence, la Guinée est l’incarnation même de la bénédiction du père de la nature.
Cependant, en matière sociale et politique, la Guinée reste un pays miné dans sa profondeur et affecté par une épidémie difficilement curable, celle de l’ethnocentrisme qui demeure un facteur de discrimination, de rejet et de repli d’un groupe de citoyens vis à vis d’autres. C’est donc un vecteur d’affranchissement, de la dislocation et tout simplement l’emblème d’un déclin certain de cette république.
Très concrètement, il n’ y a pas besoin d’être un intellectuel chevronné pour s’apercevoir que la répartition administrative même de la Guinée est divisionniste. Et nul n’y songe à corriger cette erreur pouvant générer des conséquences néfastes majeures pour la paix ainsi que pour l’unité nationale. Il est collectivement admis et malheureusement enseigné dans les établissements scolaires que la Guinée est « divisée en quatre RÉGIONS NATURELLES ». Et cette considération est matérialisée jusque dans la présidence de la République (de Sékoutoureya) d’où est affichée une carte du pays avec les têtes de quatre jeunes filles dont chacune correspond à la tresse traditionnelle d’une des quatre régions. Certes, il y a là une volonté de montrer les caractéristiques particulières de chaque région, mais il ressort également non pas de la diversité mais de la matérialisation d’une division évidente de la nation. La diversité d’une nation est occultée par l’homogénéisation que l’État fait d’elle. Sinon à chaque nation ses diversités et ses divergences, mais à l’État d’assurer son unité, son égalité et son homogénéité.
Ainsi la division administrative qui est corollaire à la communautarisation de la Guinée entraîne le fait que chaque citoyen de ce pays se sente particulièrement appartenir à sa région d’origine qu’à la nation Guinéenne. N’est ce pas que dans chaque région où se trouve un citoyen originaire d’une autre région, celui-ci sera considéré comme étranger et dénommé « RESSORTISSANT » de telle région ? C’est comme pour dire que chaque citoyen appartiendrait plutôt à sa région qu’à la nation elle-même. Chaque Guinéen serait plutôt fils de sa région que fils du pays.
Dès lors, on rencontre en Guinée des ressortissants de la moyenne Guinée qui résideraient en basse Guinée, des ressortissants de la haute Guinée qui sont installés en Guinée forestière. Cette étrangeté est affirmée sur le territoire même de la république. Ainsi, cela inclut l’existence implicite des Guinéens qui ne seraient donc pas des Guinéens en dehors de leur région. Des personnes qui seraient dépourvues de la nationalité guinéenne, par ce que tout simplement elles ne révéleraient pas naturellement de l’une des quatre régions prônées par l’État. Cette qualification de la naturalité des régions est d’autant écœurante qu’elle exhibe le niveau de naïveté et d’insuffisance des intellectuels et les autorités qui ne cessent d’appréhender la composition de la Guinée de cette manière. La nature ne fait pays des États, ces derniers sont les propres de l’Homme. L’Homme les crée, il les modifie, et décide de leur disparition.
Dans les deux paragraphes précédents, il est fait mention de deux termes qui peuvent sembler emblématiques et donc nécessaire d’être exclus pour une cohésion immuable de la nation ainsi que pour la paix et pour l’unité tant désiré par tout être humain épris de la justice et de la préservation très durable de la paix.
Il faut éradiquer les expressions « régions naturelles et ressortissant ». Ces régions ne sont pas naturelles car l’État Guinéen n’est pas naturel. L’expression ressortissant est inapproprié lorsqu’il s’agit de désigner un autre guinéen venu d’une autre région du même pays. Dans un État, c’est soit l’on est natif et/ou citoyen, ou soit on est étranger.
Il est déraisonnable de vouloir à tout prix sauvegarder la structure administrative, issue de l’ère coloniale, fondée sur l’emploi du terme de région naturelle. Il faut noter qu’il n’existe pas de région naturelle, car il n’y a pas d’État naturel. L’organisation régionale est toujours du fait d’un État, générée par l’organisation administrative de ce dernier. D’ailleurs, la structure étatique de la Guinée étant une quasi reproduction de celle de la France, il s’avère utile de rappeler à ce point que la région sous sa forme actuelle n’a été créée dans cet État de référence qu’en 1956, pour des besoins de la modernisation de l’administration du territoire. Les régions acquièrent le statut de collectivité territoriale en 1982. Et depuis cette date, la France a toujours cherché d’adapter ses régions à des évolutions socio-économiques de l’État, et dont la dernière réforme date de 2016 en réduisant le nombre de régions de vingt-sept à dix-huit.
Il est coutume d’affirmer que la Guinée est composée de quatre régions naturelles et cela est même matérialisée à travers certains textes officiels. Cette conception est erronée car elle prônerait inconsciemment l’idée d’une division. La formule idéale serait d’échanger le terme « composé » par celui de « constitué ». Et même en dehors de cette équivoque, le terme même de région naturelle ne peut juridiquement et ne doit politiquement ou administrativement prospérer. Car la détermination du cadre limitrophe et de la compétence d’une région relève d’une base législative. D’ailleurs, la structure étatique de la Guinée étant une quasi reproduction de celle de la France. Alors que cette dernière ne cesse de poursuivre sa politique de réformation et d’adaptation du cadre administratif des régions.
Pour leur part, les autorités guinéennes se contentent des phénomènes géographiques et sociaux pour maintenir cette forme de structure régionale qui entrave même le maintien de l’unité nationale. Le caractère naturel, des régions, prôné en Guinée relève particulièrement de la spécificité géographique et climatique, mais aussi de l’importance de groupes ethniques dominant dans la région. Cela génère comme conséquence d’affirmer et de légaliser la suprématie des principales ethnies dominantes dans ces régions tout en occultant donc les ethnies minoritaires. Par conséquent, pour pallier à cette situation négative, la Guinée devra sortir de son immobilisme juridique et politique afin de (re)structurer son organisation territoriale en l’adaptant aux besoins économiques, sociaux voire politiques du pays.
En Guinée, il y a une tendance dominatrice qui confondrait sans cesse et dangereusement le terme régionalisme avec celui de communautarisme. Si le premier est employé à tort, le second est constitutif du syndrome d’une épidémie destructrice de la cellule sociale et donc de l’unité nationale. Et c’est bien du communautarisme que souffre silencieusement ou ostentatoirement la république de Guinée.
L’emploi du régionalisme est d’une coutume en Guinée, et cela par l’effet de l’ignorance ou d’un abus de langage aberrant. Car il faut noter pour définition selon Pauline Tûrk, dans son œuvre les principes fondamentaux du droit constitutionnel, 7ème édition, que « le régionalisme correspond à l’attribution du pouvoir législatif propre à des collectivités régionales qui bénéficient déjà d’une large autonomie administrative et financière. Ces régions ne bénéficient pas de l’autonomie politique réservée aux seuls États ».
Ainsi par l’effet de l’ignorance, qui s’avère donc gravissime, l’État guinéen tend à se constituer en État régional, si elle ne l’est pas d’ailleurs de manière implicite. Et donc malgré son caractère unitaire consacré par les dispositions constitutionnelles, la Guinée s’approche inconsciemment et dangereusement du fédéralisme. L’on peut sans aucun doute réitérer le fait que certains Guinéens s’identifieraient ou se sentiraient appartenir plus à leur région d’origine qu’à la république de GUINÉE. Il y a l’ombre d’un mimétisme fédéral qui plane en Guinée. Ce phénomène, il faut le signaler, ne doit pas être perçu comme un moyen de parvenir à la paix social en apportant le salut au peuple de Guinée mais plutôt comme le diable qui le dévorera.
Faut-il rappeler que des États plus forts, plus instruits et plus anciens que la Guinée éprouvent des difficultés quasi perpétuelles à unir leurs peuples et à gérer de manière homogène leurs territoires ? Plusieurs ont connu des referendums d’auto-détermination ou pour dire dans un langage plus pratique des referendums d’indépendance.
D’abord en Espagne, avec le nationalisme grandissant en Catalogne, un referendum d’auto-détermination fut tenu en 2017, avec à la tête du mouvement indépendantiste Carlos Pujdemon.
Ensuite, la grande Bretagne, avec le referendum d’indépendance clamé par l’Ecosse et dont le scrutin fut tenu le 18 septembre 2014. Enfin, la France avec la Nouvelle Calédonie, le referendum d’indépendance du 04 novembre 2018. Faut-il ignorer la recrudescence de la fracture sociale que subissent les États-Unis d’Amérique. De loin tout semble rose et parfait jusqu’à ce que l’on plonge son nez là de-dans ; la fracture sociale entre les blancs, les noirs et hispaniques ne cesse de grandir. La force de toute nation doit résider dans sa capacité de maintenir l’unité de son peuple et de garantir l’intégrité de son territoire. La république de Guinée est-elle vraiment dans cette marche ?
Ainsi, à noter que bien qu’aucun de ces referendums n’ayant aboutit à une indépendance, ces actions restent tout de même un message fort pour l’État concerné et que le territoire exigeant sa pleine souveraineté ne se sentirait dévoué pleinement pour la cause de cet État si ce n’est par contrainte. Les citoyens d’un territoire indépendantiste s’identifieraient plus à ce territoire qu’à l’État qui les la prive.
La Guinée se doit donc, et cela est d’une urgence, de déterminer le statut exact de ses régions. Elle doit procéder à une nouvelle décomposition territoriale afin de faire fondre les présentes régions dans des régions nouvelles. Il faut faire disparaître cette forme et cette idée de quatre régions naturelles à travers lesquelles la plupart des divergences sociales prennent visages et sources.
Faut-il immuablement rappeler qu’il n’existe pas une région naturelle ? Elle ressort de la volonté de l’État, de la forme de la décomposition territoriale que celui-ci prétend donner à son territoire dans l’objet d’une gestion administrative. La recomposition territoriale n’est plus une nécessité pour la Guinée, elle reste plutôt indispensable en raison de la réalité socio-politique qui risque de se compromettre. Ces régions qui ne correspondent plus à l’évolution du pays deviennent de plus en plus des nids pour les divisions politiques, des discriminations sociales, du recul de l’adhésion aux valeurs de la république.
Ces quatre régions que compte aujourd’hui la Guinée, proviennent de l’empreinte coloniale. Elles correspondent plutôt à la gestion par l’administration coloniale. Et depuis l’indépendance le nouvel État n’avait ni les moyens ni les compétences de gérer le territoire sur cette forme, la Guinée avait tout de même choisit de maintenir l’administration territoriale comme elle fut établit sous l’ère coloniale. Le colon reste encore l’architecte de la structure géographique et administrative en Guinée.
Il y en a une sorte d’intangibilité des structures territoriales, comme c’est fut le cas pour les frontières. Il existe là de grandes failles qu’il est indispensable de remédier. Les régions de la Guinée doivent absolument être reformées. Et pour cela trois possibilités peuvent être envisagées. Il faut soit établir de nouvelles régions ; ou encore de réduire le nombre des régions actuelles ; ou soit encore, au mieux, de déplacer leurs lignes de démarcation pour faire une sorte de transcendance territoriale, c’est à dire qu’une ville qui appartiendrait à une région devra désormais appartenir à une autre. Les lignes de démarcation étant imaginaires, la Guinée devra les retracer à son image.
Cependant, si malgré tout, la république de Guinée fait le choix de maintenir sa structure administrative actuelle fondée sur les quatre régions, et cela non pas par incapacité mais par la peur ou pour tout autre raison cachée ne convergeant pas avec l’intérêt de la nation, ce serait donc de choisir de se maintenir dans une structure infernale qui est susceptible de produire tôt ou tard de fortes conséquences désastreuses pour l’unité et la cohésion nationale.
De l’autre côté, si l’on pousse le principe du communautarisme à son summum, plusieurs communautés de la Guinée seront donc occultées par la représentation caricaturale actuellement préférée et admise par l’État. Les communautés guinéennes ne peuvent se résumer par la tresse ou le mode de vie caricaturé sur une planche faisant office des affiches dans les lieux publics du pays. Dans chaque région de Guinée, il y en a diverses communautés qui y vivent. Et vouloir sciemment occulter d’innombrables communautés au profit de seulement quatre, il ressortirait une volonté manifeste de la part de L’État d’instituer une discrimination, voire de la négation d’une partie importance de la population.
Et plus dangereux aussi serait de tenter de justifier cette situation comme relevant du fait que les autres communautés ne seraient pas assez nombreuses dans une région pour qu’elles soient aussi représentatives. Il faut noter que cette république doit, en tout lieu et en toute circonstance, rester sur le principe que toutes les communautés se valent. Et que dans une république la question minoritaire n’est que génératrice de la discrimination, du rejet, et même de la négation de l’autre. La Guinée doit se soigner du syndrome du communautarisme, sinon celui-ci amputera la Guinée d’un organe vital qui est la prééminence de la paix.
Il faut rappeler que la nation se créée, elle s’entretient, elle évolue, et en cas de péril elle disparaît lorsqu’elle ne parvient pas à le surmonter. Dès lors il n’est pas exagéré d’affirmer que si l’existence de la nation Guinéenne n’est pas en cause, mais des risques profonds de sa probable dislocation sont palpables, nombreux et variés.
Quelle justification pour le maintien des quatre régions naturelles et quelle nécessité d’instituer le fédéralisme en République de Guinée ?
MAKANERA Fodé